Le meilleur des mondes, Aldous Huxley


Dans un futur plus ou moins lointain, la société humaine n’est plus ce qu’elle a été. Un nouveau système « parfait » a vu le jour, dans lequel les individus sont conditionnés dès la naissance pour rentrer dans un case bien définie. Ils ne sont plus égaux et en sont conscients, mais tous sont heureux. Mais est-ce un réel bonheur ?

– Et c’est là, dit sentencieusement le Directeur, en guise de contribution à cet exposé, qu’est le secret du bonheur et de la vertu, aimer ce qu’on est obligé de faire. Tel est le but de tout conditionnement : faire aimer aux gens la destination sociale à laquelle ils ne peuvent échapper.

Un roman pas si irréaliste

Dans ce roman, Huxley décrit un monde à la fois très éloigné de nous mais dans lequel on a parfois l’impression de voir transparaitre notre société, ce qui fait un peu peur !

On retrouve l’importance de l’apparence, le besoin intense de consommation induit par la manipulation… Ce que l’État fait de façon ouverte dans le livre à travers le conditionnement des individus dès l’enfance, la société le fait pour nous dans la vraie vie!
Les individus dans le livre sont manipulés, ils ne sont pas libres, néanmoins ils sont heureux. On en vient à questionner les conditions du bonheur, même si on est horrifiés de voir à quel niveau l’homme en arrive. Par certains aspects la société décrite semble fonctionner. On le constate d’autant plus que les individus sont conscients de la manipulation dont ils font l’objet. En effet le système est entièrement transparent et tous sont convaincus qu’il est le meilleur…tout en sachant que cette conviction est artificielle !

Vous n’avez pas le désir d’être libre, Lenina ?

– Je ne sais pas ce que vous voulez dire. Je le suis, libre. Libre de me payer du bon temps, le meilleur qui soit. « Tout le monde est heureux, à présent! »

Il se mit à rire.

– Oui, « Tout le monde est heureux, à présent! » Nous commençons à servir cela aux enfants à cinq ans. Mais n’éprouvez-vous pas le désir d’être libre de quelque autre manière, Lenina ? D’une manière qui vous soit propre, par exemple ; pas à la manière de tous les autres.

– Je ne sais pas ce que vous voulez dire, répéta-t-elle.

Une confrontation des cultures et des idées

Vers le milieu du roman on découvre la vie des « sauvages », qui sont les humains mis à l’écart. Je pensais découvrir une société à peu près comme la notre, qui aurait échappé à l’emprise de la « nouvelle vie ». Mais comme vous aurez l’occasion de le découvrir, c’est loin d’être le cas! J’ai eu un peu de mal à accrocher cette partie du roman, qui est très originale. Personnellement, je trouve qu’elle apporte peu à la compréhension du sujet principal, et j’aurais préféré voir les individus conditionnés interagir avec des personnages nous ressemblant.

En revanche j’ai pris beaucoup de plaisir à lire la fin. Différents points de vue se confrontent, pointant les avantages et les faiblesses du système. L’auteur met bien en évidence que rien ne peut être parfait, que des concessions doivent souvent être faites, et que même si cette nouvelle société peut paraitre totalement aberrante il y a une part de logique dans sa mise en place.

L’écriture de l’auteur m’a rappelé celle de Boris Vian dans l’Ecume de Jours : poétique, rapide et parfois un peu déjantée ! Cela le rend plus difficile à lire mais montre aussi que l’histoire a un intérêt principalement philosophique.

Pour conclure je recommence ce roman à 100% !

« Ne pas publier. » Il souligna ces mots. […] Dommage, songea-t-il, tandis qu’il signait. C’était un travail magistral. Mais une fois que l’on commence à admettre des explications d’ordre finaliste, hé quoi, on ne sait pas où cela peut conduire. C’est ce genre d’idée qui pourrait facilement déconditionner les esprits les moins solidement arrêtés parmi les castes supérieures, qui pourrait leur faire perdre la fois dans le bonheur comme Souverain Bien […].